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Le Désengagement Moral : le Comprendre et en Reconnaître les Mécanismes

Comment des individus ordinaires justifient des comportements contraires à l’éthique sans éprouver de culpabilité ?

L’affaire de Mazan, ce viol collectif organisé pendant dix ans par le mari d’une victime sous sédation, a été l’objet d’une immense vague médiatique. L’un des aspects les plus frappants de ce crime hors-norme est que les agesseurs n’étaient, pour la plupart, ni des monstres, ni des marginaux, mais plutôt des pères de famille souuvent bien insérés dans la société. Comment des gens normaux ont-ils pu continuer à vivre sans remord après de tels actes, voire les perpétrer à plusieurs reprises ?

Pour expliquer une telle attitude, le psychologue Albert Bandura a développé le concept de désengagement moral. Celui-ci décrit les processus par lesquels les individus justifient des comportements contraires à leurs valeurs morales sans ressentir de culpabilité. Ces mécanismes permettent de rationaliser des actions nuisibles et de maintenir une image de soi positive malgré des comportements éthiquement inacceptables.

Histoire du Concept

Bandura introduisit le concept de désengagement moral dans les années 1980. Le chercheur, connu pour sa théorie socio-cognitive de l’apprentissage social, a exploré comment les individus peuvent apprendre des comportements par l’observation et l’imitation. Il a ensuite étendu cette théorie pour inclure les mécanismes par lesquels les gens s’absolvent des sanctions morales de leurs actions, permettant ainsi des comportements nuisibles sans remords.

Mécanismes du Désengagement Moral

Le désengagement moral est l’ensemble de mécanismes cognitifs qui désactivent l’autorégulation morale. Il permet de prendre des décisions contraires à l’éthique sans culpabilité. Il opère de plusieurs façons :

  • Justification morale : Les individus présentent leurs actions nuisibles au service d’un but positif. Par exemple, la violence est nécessaire pour maintenir l’ordre ou protéger des valeurs importantes.
  • Utilisation d’un langage euphémique : L’emploi de termes neutres pour décrire des actions répréhensibles les adoucit. Par exemple, dire « dommages collatéraux » au lieu de « morts civiles » minimise l’impact perçu des actions. Ou encore le « traitement » terme employé pendant la Seconde Guerre Mondiale pour désigner l’extermination des Juifs d’Europe
  • Comparaison avantageuse : Comparer ses propres actions à des comportements bien pires pour les rendre plus acceptables. Par exemple, un employé qui vole de petites sommes d’argent peut se justifier en se comparant à des criminels de grande envergure.
  • Déplacement de responsabilité : Les individus se déchargent de la responsabilité de leurs actions en la transférant à une autorité supérieure ou à des circonstances extérieures. Par exemple, Adolf Eichmann a prétendu lors de son procès qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres.
  • Diffusion de responsabilité : Lorsque la responsabilité est partagée entre plusieurs personnes, chaque individu se sent moins coupable. Par exemple, dans un groupe, chacun peut penser que les autres sont responsables.
  • Distorsion ou minimisation des conséquences : Les individus ignorent ou minimisent les effets négatifs de leurs actions. Par exemple, un pollueur peut minimiser l’impact environnemental de ses activités.
  • Déshumanisation : Les victimes sont perçues comme moins humaines ou moins dignes de considération morale. Par exemple, en temps de guerre, l’ennemi peut être décrit comme une menace déshumanisée.
  • Attribution de blâme : Les individus blâment les victimes pour les actions subies. Par exemple, un agresseur peut prétendre que la victime a provoqué l’agression.
antécédents et conséquences

Des travaux de recherche, en particulier ceux menés par Detert sur des étudiants de Cornell University, ont montré que plus la personne se désengageait moralement, plus elle commettait des actions contraires à l’éthique (par exemple tricher aux examens). Les mêmes travaux ont montré que moins une personne est empathique, plus elle a tendance a se désengager moralement. De même, plus elle éprouve de ressentiment ou moins elle fait confiance aux autres.

Exemples Historiques

Dans son ouvrage “Moral Disengagement”, Bandura présente plusieurs domaines d’application de sa théorie :

  • Les médias : en particulier comment la violence à la télévision impacte les spectateurs
  • L’industrie des armes aux Etats-Unis : comment les pro-armes justifient la défense de leurs droits
  • Le monde de l’entreprise : sur la manière qu’ont certaines entreprises de prendre des décisions contraires à l’éthique
  • Le terrorisme : comment les groupes terroristes justifient leurs attentats
  • La protection de l’environnement : sur la façon de justifier les comportements qui portent atteinte à l’environnement

Le scandale Enron est un exemple classique de désengagement moral dans le monde des affaires. Enron, une entreprise américaine du secteur de l’énergie, a commis une fraude comptable massive au début des années 2000. Les dirigeants de l’entreprise ont utilisé plusieurs mécanismes de désengagement moral pour justifier leurs actions en particulier:

  • Justification morale : Ils ont présenté leurs actions comme nécessaires pour maintenir la compétitivité de l’entreprise.
  • Langage euphémique : Des termes comme « optimisation fiscale » ont été utilisés pour adoucir la réalité de la fraude.
  • Diffusion de responsabilité : La responsabilité a été partagée entre de nombreux cadres (cabinets d’avocat, experts-comptables), réduisant le sentiment de culpabilité individuel.

Le scandale a finalement conduit à la faillite de l’entreprise et à des réformes majeures dans la réglementation financière.

Conclusion

Le désengagement moral est un mécanisme puissant qui permet aux individus de rationaliser des comportements nuisibles. En comprenant ces mécanismes, nous pouvons mieux les reconnaître en nous-mêmes et chez les autres, et travailler à les contrer pour favoriser un comportement plus éthique et responsable.

Lors d’un prochain article, nous analyserons comment cette théorie s’applique aux crimes perpétrés à Mazan.

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Communication Psychologie Toastmasters

Comment mieux évaluer avec la pratique délibérée ?

Découvrez dans cet article comment appliquer les principes scientifiques de l’apprentissage à l’évaluation Toastmasters, une compétence essentielle pour développer votre art oratoire

Dans un article précédent, nous avons vu comment s’améliorer en improvisations grâce à la pratique délibérée. Cette dernière est une méthode scientifique pour acquérir et améliorer n’importe quelle compétence.

Aujourd’hui, nous allons montrer comment vous pourriez appliquer ces principes à l’évaluation Toastmasters. L’évaluation constitue la clé de voûte de la méthode Toastmasters. Car elle permet d’aider les orateurs à s’améliorer et à gagner en confiance.

Qu’est-ce que la pratique délibérée ?

Pour rappel, la pratique délibérée se distingue de la simple pratique par plusieurs caractéristiques :

  • Elle se fixe un objectif spécifique et mesurable, qui correspond au niveau de performance souhaité.
  • Elle implique de se confronter à des défis qui dépassent nos capacités actuelles.
  • Elle a besoin d’un retour immédiat et constructif, pour identifier nos erreurs et nos points à améliorer.
  • Elle se focalise sur le processus plutôt que sur le résultat. Elle cherche à comprendre les principes sous-jacents à la compétence visée.
  • Elle repose sur la répétition et la révision régulières, pour consolider les acquis et renforcer la mémoire.
  • Elle s’inspire des meilleurs, en se comparant aux experts du domaine et en s’appropriant leurs méthodes et leurs stratégies.
Comment appliquer la pratique délibérée a l’évaluation Toastmasters ?

De fait, l’évaluation de discours est l’exercice d’apprentissage le plus important dans la méthode Toastmasters. Elle permet de développer plusieurs compétences, en particulier l’écoute, l’attention, la formalisation d’un point de vue et l’expression de celui-ci devant un auditoire dans un temps limité (moins de 3 minutes et demie).

Voici comment vous pourriez utiliser les principes précédents de la pratique délibérée pour vous préparer et réussir vos évaluations :

avoir un objectif et se lancer un defi
  • Avoir un objectif spécifique et mesurable : avant de vous entraîner aux évaluations, définissez clairement ce que vous souhaitez améliorer. Par exemple, vous pouvez vouloir augmenter la durée de votre prise de parole, réduire votre stress, mieux structurer votre discours ou parler sans notes. Choisissez un objectif qui soit adapté à votre niveau actuel et qui soit quantifiable. Par exemple, vous pouvez mesurer la durée de votre évaluation, la fidélité de votre présentation orale par rapport à vos notes ou le nombre d’idées que vous développez.
  • Sortir de sa zone de confort : progresser, en évaluation comme ailleurs, nécessite de se mettre en difficulté. Et de trouver un terrain d’entraînement en solo, sans risque. Pour cela, la première étape est de se constituer une bibliothèque de discours cibles sur lesquels portera votre évaluation. D’ailleurs, les discours TEDx, comme celui-ci, sont une mine de discours sur des sujets très variés.
recevoir des retours et comprendre le fonctionnement
  • Obtenir un retour immédiat et constructif : un retour sur votre performance permet de savoir si vous avez atteint ou non votre objectif. Dans les clubs Toastmasters, l’évaluateur général de la séance est là pour donner un retour aux évaluateurs. Quand vous vous entraînez en solo, le mieux est de vous filmer ou de vous enregistrer, pour pouvoir analyser ensuite votre évaluation, votre voix, votre langage corporel… Vous pouvez aussi demander l’avis d’un mentor ou d’un pair expérimenté, qui saura vous donner des conseils personnalisés et des pistes d’amélioration.
  • Se concentrer sur le processus plutôt que sur le résultat : comprendre comment fonctionne une évaluation, quels sont les éléments qui la composent et comment les articuler en facilite la maîtrise. La pratique délibérée développe la conscience de ses forces et de ses faiblesses, de ses stratégies et de ses réflexes. Se concentrer sur la bienveillance qu’on témoigne dans une évaluation, sa capacité à argumenter, à donner des pistes utiles permet d’apprendre de ses erreurs et de ses succès, en identifiant ce qui a marché ou pas, et comment s’améliorer.
répéter et apprendre des meilleurs
  • Répéter régulièrement : pour ancrer les habitudes de l’évaluation, il faut les pratiquer fréquemment, au moins une fois par semaine, voire plus si possible.
  • Chercher à se comparer aux meilleurs évaluateurs : observez comment ils argumentent, comment ils structurent leur discours, comment ils utilisent leur voix, leur regard, leur geste… Essayez de comprendre ce qui fait leur force, leur originalité, leur impact. Vous pouvez pour cela assister à des concours interclubs où les meilleurs se comparent en évaluant le même discours.
pour aller plus loin

Les évaluations Toastmasters sont un excellent moyen de développer votre art oratoire. Mais pour en tirer le meilleur parti, il faut les pratiquer avec méthode et rigueur. La pratique délibérée est une approche scientifique qui vous permettra d’atteindre un niveau d’excellence dans cette compétence. En appliquant les principes de la pratique délibérée, vous verrez votre aisance verbale, votre confiance en vous et votre impact sur votre auditoire augmenter considérablement.

Vous voulez rencontrer des évaluateurs expérimentés et participer à une séance d’évaluation lors d’une prochaine réunion ? C’est par ici.

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Mentorat Psychologie

Apprendre à danser le tango avec l’entretien motivationnel

Changez grâce à l’entretien motivationnel, une approche collaborative et empathique qui s’inspire du tango

Vous voulez changer quelque chose dans votre vie, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Des doutes, des peurs, des résistances vous empêchent de passer à l’action ? Vous aimeriez être accompagné par quelqu’un qui vous écoute, vous comprend et vous aide à trouver vos propres solutions ? Alors, vous devriez découvrir l’entretien motivationnel, une méthode qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines.

L’entretien motivationnel, qu’est-ce que C’EST ?

L’entretien motivationnel est une méthode de communication qui vise à renforcer la motivation d’une personne à changer un comportement problématique. Il s’agit d’un dialogue collaboratif entre un professionnel (médecin, coach, conseiller, etc.) et son client. Le professionnel y adopte une attitude empathique, respectueuse et dépourvue de jugement. Le but est d’aider le client à explorer et à résoudre son ambivalence. L’ambivalence, c’est hésiter entre des raisons de changer et des raisons de ne pas changer.

L’entretien motivationnel repose sur quatre principes fondamentaux :

  • Exprimer de l’empathie : en se mettant à la place du client. Pour comprendre son point de vue, ses émotions, ses besoins. Sans le critiquer ni le blâmer.
  • Développer le discours de changement : en encourageant le client à exprimer les raisons pour lesquelles il veut changer. En particulier les avantages qu’il en attend et la confiance en sa capacité à changer.
  • Gérer la résistance : en évitant de s’opposer au client, de chercher à le persuader ou de se confronter avec lui. Mais plutôt en l’accompagnant dans son cheminement, en respectant son autonomie et ses choix.
  • Renforcer l’engagement : en aidant le client à prendre une décision, à se fixer des objectifs, à élaborer un plan d’action, à anticiper les difficultés et à trouver des solutions.

Concrètement, le professionnel utilise plusieurs outils. Il peut poser des questions ouvertes, reformuler ce que dit le client, résumer les points clés. Il peut aussi valoriser les efforts et les réussites ou donner de l’information avec son accord.

L’ENTRETIEN MOTIVATIONNEL, CA MARCHE DANS QUELS DOMAINES ?

L’entretien motivationnel a été créé dans les années 1980 par le psychiatre américain William Miller. A l’époque, il cherchait à améliorer le traitement de l’alcoolisme. Il a constaté que les médecins qui réussissaient le mieux à aider leurs patients à arrêter de boire avaient en commun certaines caractéristiques, comme l’empathie, la collaboration, l’évocation et l’autonomie. Il a alors formalisé ces principes et les a appelés l’entretien motivationnel.

Depuis, de nombreuses études ont confirmé l’efficacité de l’entretien motivationnel dans divers domaines de la santé. Comme les addictions (tabac, drogues, jeux, etc.). Mais aussi les maladies chroniques (obésité, diabète, etc.). Ou encore la santé mentale (dépression, anxiété, par exemple). Enfin la prévention (vaccination, dépistage, en particulier).

Mais l’entretien motivationnel ne se limite pas au domaine de la santé. Il peut s’appliquer à toute situation où une personne souhaite changer quelque chose dans sa vie, que ce soit dans le domaine professionnel, personnel, familial ou social. Par exemple, il peut aider un détenu à se réinsérer dans la société, un sportif à se préparer à une compétition, un étudiant à choisir son orientation ou un salarié à gérer un conflit.

L’entretien motivationnel, comment l’apprendre ?

Si l’entretien motivationnel vous intéresse, vous pouvez vous y former de diverses manières. Différents médias (livres, articles, vidéos, sites internet, podcasts) vous permettront de découvrir les bases de la méthode.

Des enseignements (formations, ateliers, ou conférences) vous offriront l’occasion de vous entraîner à la pratique de l’entretien motivationnel, avec des cas concrets ou des jeux de rôle, en obtenant des retours de professionnels aguerris.

Plusieurs associations, comme l’Association Francophone de Développement de l’Entretien Motivationnel (AFDEM), rassemblent des professionnels ou des passionnés de l’entretien motivationnel, et qui vous permettront d’échanger, de partager, de vous soutenir et de vous inspirer. Le site de l’AFDEM regorge de ressources utiles por apprendre l’entretien motivationnel.

Enfin, vous pouvez bénéficier de l’entretien motivationnel en tant que client, en faisant appel à un professionnel formé à cette méthode. Il  vous accompagnera dans votre projet de changement, quel qu’il soit.

L’entretien motivationnel, c’est quoi le rapport avec le tango ?

Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai choisi comme titre de cet article “Apprendre à danser le tango avec l’entretien motivationnel”. En fait, c’est une métaphore que j’ai empruntée à William Miller, le père de l’EM, et qui m’a beaucoup plu.

Miller compare l’entretien motivationnel à une danse, le tango, qui se caractérise par une relation harmonieuse entre deux partenaires, qui se déplacent ensemble, en suivant le rythme de la musique, mais en gardant chacun leur liberté de mouvement. Le professionnel, pareil au danseur qui guide le pas, épouse les mouvements du client, qui, comme  l’autre danseur qui suit. Ainsi c’est le professionnel qui oriente la conversation dans la bonne direction, comme le danseur qui mène la danse. C’est cette posture qui constitue l’esprit de l’entretien motivationnel.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter cette vidéo, qui contient des exemples de questions, de reformulations, de résumés, de valorisations, etc. que le professionnel peut utiliser dans un entretien motivationnel. Vous y trouverez deux extraits qui illustrent la différence entre un entretien classique et un entretien motivationnel, autour de l’arrêt du tabac.

POUR ALLER PLUS LOIN

J’espère que cet article vous a donné envie de découvrir l’entretien motivationnel, et de l’expérimenter dans votre vie. N’hésitez pas à me laisser vos commentaires, vos questions ou vos témoignages, etc. Je serai ravi de vous répondre et de poursuivre la conversation avec vous. A bientôt!

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Communication Insertion professionnelle Mentorat Psychologie

Comment utiliser la théorie socio-cognitive pour le mentorat?

Les outils pratiques de la théorie socio-cognitive (TSC) permettent aux mentors d’augmenter le sentiment d’efficacité personnelle chez leurs bénéficiaires

Dans un article précédent, nous avons présenté la théorie socio-cognitive (TSC) et son intérêt pour accompagner le changement. Nous avons vu également dans un autre billet comment elle pouvait, en particulier, aider à surmonter la peur de parler en public.

A présent, nous nous intéresserons à la manière de l’employer concrètement, dans le cadre des actions de mentorat. Dans ce premier article, nous donnons les clés pratiques pour utiliser la TSC.

LES QUATRE SOURCES DU SENTIMENT d’efficacité PERSONNELLE

Pour rappel, le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) est la pierre angulaire de la TSC : l’augmenter va produire des effets sur l’adoption d’un nouveau comportement et le changement qui en résulte.

Or, Bandura, le créateur de la TSC, affirme que le SEP provient de quatre sources : avoir accompli le comportement souhaité par le passé (expérience de maîtrise), modeler son comportement en observant d’autres personnes réussir une tâche (expérience vicariante), être persuadé que l’on peut accomplir une action (persuasion), et réduire les états affectifs et physiologiques qui gênent le nouveau comportement (gestion des états affectifs et physiologiques).

LES EXPÉRIENCES DE MAITRISE

L’approche la plus directe pour créer une expérience de maîtrise est de pratiquer le nouveau comportement. Par exemple, la posture lors d’un entretien d’embauche ou la prononciation d’un discours, après s’être formé aux compétences nécessaires pour réussir.

De fait, les croyances des individus et leurs actions se renforcent mutuellement. La réussite nourrit la conviction d’être efficace qui va favoriser la réussite ultérieure. Une spirale ascendante s’établit donc entre expérience de maîtrise et efficacité personnelle.

Le tableau suivant résume les techniques qui nourrissent les expériences de maîtrise.

Techniques Exemples
Pratiquer le comportement-cible avec succès Acquérir des compétences, par exemple la formation à l’entretien d’embauche

S’exposer aux situations menaçantes

Expérimenter graduellement Se fixer des cibles intermédiaires de difficulté croissante en vue d’atteindre le comportement visé, par exemple hiérarchiser des situations anxiogènes ou bien augmenter la dose d’exercice physique chaque semaine
Pratiquer l’imagerie mentale Imaginer le succès ou les progrès, simuler le comportement mentalement, visualiser la tâche, par exemple l’exposition volontaire dans le traitement des phobies, ou bien la résistance aux tentations de fumer
Se préparer aux revers Anticiper les conséquences : par exemple violer une abstinence

Attribuer les revers à des causes externes et les réussites à des causes internes (le travail, le mérite)

Auto-surveiller le comportement et ses résultats Suivre le comportement ainsi que les progrès vers l’objectif, par exemple en tenant un journal de l’alimentation ou de la perte de poids
S’appuyer sur des réussites passées Raconter des situations de maîtrise, par exemple des récits autobiographiques de réalisations probantes, pour transférer des stratégies efficaces à de nouveaux comportements.
Adopter un état d’esprit tourné vers l’apprentissage Donner la priorité au développement de nouvelles compétences plutôt qu’à l’évitement ou à la réussite
LES EXPERIENCES VICARIANTES

Observer une personne (“modèle”) effectuer une tâche que l’on désire effectuer et la voir réussir est une expérience vicariante. Celle-ci permet d’instiller la croyance que l’on peut soi-même y arriver. En plus, elle renseigne sur les stratégies et les compétences utiles pour surmonter certains obstacles. On peut d’ailleurs s’observer soi-même (“auto-modélisation”). Plus le modèle surmonte de difficultés et plus il ressemble à l’observateur, plus l’expérience sera utile à l’observateur.

Le tableau suivant résume les techniques pour susciter les expériences vicariantes.

Techniques Exemples
Observer des modèles (réels ou symboliques) Observer des personnes aux caractéristiques proches des siennes effectuer le comportement avec succès : par ex. des modèles réels dans des groupes de soutien, ou des modèles symboliques dans des récits inspirants
S’auto-modeler Produire des témoignages (par ex. en video) de l’exécution réussie par soi-même du comportement, par exemple l’enregistrement vidéo d’une séance d’entraînement à la formation à l’entretien d’embauche
LA PERSUASION VERBALE

La persuasion nous donne l’assurance que d’autres personnes croient en notre capacité à réussir. Elle fournit aussi une validation de nos progrès sur le chemin du changement. De même, l’auto-persuasion s’avère efficace, notamment dans la recherche d’emploi, en recourant par exemple à des mantras.

Cependant la persuasion verbale reste une source d’auto-efficacité moins fiable que les deux précédentes. Elle peut même s’avérer contre-productive. En effet, si un souvenir d’échec a sapé notre capacité à réussir, la persuasion pourrait déclencher au contraire de la résistance.

Le tableau suivant résume les techniques de persuasion verbale :

Techniques Exemples
Recevoir des encouragements de la part de personnes crédibles Véhiculer la croyance que la réussite du comportement est très probable
Exprimer un discours intérieur à caractère pédagogique ou motivationnel Réciter un discours intérieur motivationnel

S’auto-guider verbalement, par exemple en se répétant les étapes du comportement

Identifier les pensées dysfonctionnelles et les transformer en alternatives positives

 

LA gestion des États affectifs et physiologiques

Commencer une tâche difficile, surtout si elle est nouvelle, déclenche de l’appréhension chez la plupart d’entre nous. Elle s’accompagne généralement de symptômes physiologiques ou affectifs (par exemple, une augmentation du rythme cardiaque, de la transpiration). Si nous interprétons la cause de ces signes comme un manque de préparation, ou comme la prédiction d’un échec, ceux-ci peuvent diminuer notre sentiment d’efficacité personnelle et altérer nos performances ultérieures.

Pour Bandura, les expériences de maîtrise, présentées plus haut, en améliorant les compétences d’adaptation, font percevoir l’avenir comme moins menaçant. Ainsi, les pensées anxieuses qui peuvent tout de même survenir, ne submergeront pas l’individu.

Le tableau suivant résume les autres techniques de gestion des états affectifs et physiologiques :

Techniques Exemples
Pratiquer la psycho-éducation Expliquer comment les processus mentaux influent sur les fonctions biologiques: par exemple, les conséquences somatiques et affectives de dramatiser des symptômes corporels anxiogènes, apprendre à interpréter la nervosité comme le signe de que le corps est prêt, corriger les interprétations erronées de symptômes corporels ressentis comme des menaces
Utiliser le biofeedback Démontrer l’association corps-esprit
Identifier et acquérir des capacités d’adaptation (Se) Former à des stratégies d’adaptation, de relaxation ou de gestion du stress afin d’accroître la préparation et de contrôler les états physiologiques et affectifs néfastes avant et pendant l’exécution du comportement
Tester les capacités d’adaptation Collecter des informations permettant de corriger les symptômes physiologiques et affectifs en réalisant des expériences comportementales, par exemple, la maîtrise de la situation redoutée avec le thérapeute lors d’une séance d’exposition systématique
POUR ALLER PLUS LOIN

En conclusion, la TSC permet d’améliorer le SEP du bénéficiaire d’une action de mentorat en agissant sur les 4 sources à l’origine de ce sentiment.

Dans un prochain article, nous présenterons la manière d’employer ces outils face à des situations réelles de mentorat. Nous nous appuierons pour cela sur des exemples tirés de l’insertion professionnelle et de la prise de parole en public.

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Comment surmonter la peur de parler en public grâce à la théorie socio-cognitive?

La théorie socio-cognitive (TSC) permet de meilleures prises de parole en public

Dans un précédent article, nous avons vu que la peur de parler en public était très répandue. Elle pouvait être aussi très handicapante. Dans cet article, nous allons voir comment la TSC permet de surmonter la peur de parler en public.

NOS DOUTES ? DES TRAITRES !

La peur de parler en public est une forme de phobie sociale. A ce propos, le père de la TSC, Albert Bandura a beaucoup étudié les phobies. Pour lui, l’anxiété découle d’un faible croyance en ses capacités à surmonter la peur. Il a baptisé cette croyance sentiment d’efficacité personnelle (SEP). Ainsi, comme l’écrivait William Shakespeare, “nos doutes sont des traitres et nous privent de ce que nous pourrions souvent gagner de bon parce que nous avons peur d’essayer.”

De fait, les chercheurs ont mis en évidence un lien entre SEP et peur de parler. Ainsi des étudiants formés à structurer leur discours et utiliser leur voix ont vu leur anxiété baisser. Au travers de telles formations, les personnes se convainquent de l’amélioration de leurs compétences et augmentent leur SEP.

Plus généralement, dans le traitement des phobies sociales, agir sur le SEP en améliore le résultat. Si, après le traitement, les patients constatent une amélioration de leurs compétences sociales, les situations redoutées leur apparaissent moins menaçantes. D’ailleurs, une intervention manipulant le SEP a montré plus d’effet que l’exposition systématique ou la restructuration cognitive, thérapies traditionnelles pour soigner les phobies sociales.

LE RÔLE FONDAMENTAL DU SENTIMENT D’EFFICACITÉ PERSONNELLE

La synthèse de la littérature sur les phobies sociales permet de mettre en évidence le modèle socio-cognitif de la prise de parole en public :

Pour commencer, le SEP exerce son effet sur la peur de parler en public à travers les attentes de résultats qu’un orateur peut espérer de sa prestation. Ainsi, l’anxiété apparait lorsque les personnes désirent donner une impression particulière sur les autres (le résultat attendu) mais doutent qu’ils en soient capables (le SEP). Et plus le coût de l’échec est élevé, plus l’anxiété est importante.

En outre, les orateurs anxieux émettraient plus fréquemment des doutes sur leur capacité à créer les impressions désirées sur le public et s’attendraient à ce que leur performance soit en-dessous de leurs attentes. Ils auraient également tendance à évaluer les résultats de leurs prises de parole plus négativement que les sujets normaux, et indépendamment du résultat objectif.

SON ACTION SUR LE COMPORTEMENT

Ensuite, le SEP impacte les facultés de la personne à s’auto-gérer. Ce sont par exemple la capacité à s’auto-évaluer, à se fixer des objectifs et à activer des stratégies efficaces. Entre autres, on a montré que les phobiques sociaux ont du mal à définir et à atteindre des objectifs sociaux

Enfin, le SEP influence l’effet de l’environnement externe, comme par exemple faire face à un public hostile. Dans cette situation, le pouls d’un orateur de faible SEP a tendance à accélérer davantage qu’un orateur de forte SEP.

Dans la suite de la chaîne, l’attente de résultats, les facultés d’auto-gestion et la perception de l’environnement conditionnent à leur tour le comportement de l’orateur, en particulier s’il recherchera ou évitera les situations de communication. Un orateur à faible SEP aura tendance à éviter les prises de parole en public. Cette stratégie d’évitement va créer à son tour une boucle de renforcement. Comme une prophétie auto-réalisatrice, l’évitement va convaincre la personne qu’elle n’a pas les compétences adéquates, amoindrissant son SEP et intensifiant l’évitement.

LES BONNES PRATIQUES RÉVÉLÉES PAR LA SCIENCE

Selon les études qui donnent crédit au modèle socio-cognitif de la prise de parole en public évoqué précédemment, un comportement adéquat mène à des résultats probants. Quelles sont donc les bonnes pratiques que la science nous fait découvrir ?

Tout d’abord, entraîner son attention augmente significativement la qualité d’une prise de parole. En effet, l’orateur maitrisant son attention attache moins d’importance aux signaux négatifs externes, issus de l’environnement, ou internes, comme les pensées intrusives. Cela désinhibe sa parole et en améliore la qualité.

De même, lors de la planification d’un discours, la prise en compte explicite des besoins de l’auditoire améliore les performances. D’autre part, répéter son discours, seul ou devant un public, améliore aussi le rendu. En particulier, cela diminue l’anxiété et augmente la propension à communiquer. Enfin, recevoir des évaluations ou s’auto-évaluer est une bonne pratique. De fait, l’absence de retour afaiblirait la confiance des orateurs en leurs propres compétences.

POUR ALLER PLUS LOIN

La TSC paraît adéquate à rendre compte des phénomènes psychologiques à l’œuvre dans la prise de parole en public. L’intérêt de cette théorie est que le SEP, son concept central, est lui-même malléable. Des interventions spécifiques peuvent donc le modifier. En présenter un échantillon sera l’objet d’un prochain article.

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Comment accroître l’utilité de l’entretien motivationnel ?

L’associer à d’autres techniques permet d’en dépasser les limites

Dans un précédent article, nous avons présenté l’entretien motivationnel (EM) comme un outil prometteur dans le domaine du mentorat. A présent, nous nous attacherons à en montrer les limites et les perspectives pour en améliorer l’utilité.

UN SUCCÈS MODÉRÉ

Depuis les années 1980, l’entretien motivationnel a fait l’objet de nombreuses études pour en prouver l’efficacité. Force est de constater que les effets de l’EM sont relativement modestes.

Dans une méta-analyse de 2010 comprenant 119 interventions, des chercheurs ont calculé une faible taille d’effet de l’EM (d=0,22). A titre de repère, le NICE (National Institute for Health and Care Excellence) britannique préconise un seuil de taille d’effet de 0,5 pour qu’un traitement soit significatif sur le plan clinique. D’ailleurs, un quart de ces études n’ont pas eu d’effet ou eu un effet négatif. En outre, les meilleurs résultats provenaient d’essais cliniques de petite taille, donc de qualité médiocre. Enfin, le résultat de certaines études avec de multiples résultats a amélioré artificiellement l’efficacité.

Une autre méta-analyse sur l’abus de substances nocives a mis en évidence que l’effet de l’EM s’évanouissait dans le temps. En effet, la taille d’effet baissait de 0,77 à un mois à 0,11 après 12 mois.

Pourquoi de tels résultats un peu décevants ? Le psychologue Albert Bandura explique, à propos du traitement des addictions, que “[certes] on peut s’efforcer d’augmenter la motivation à démarrer le traitement. Mais si l’engagement du patient à changer ses habitudes est faible ou inexistant, il est préférable de différer le traitement dans le futur quand ses préoccupations seront plus prégnantes. Car l’échec d’efforts mi-chèvre mi-chou ne peut que renforcer la croyance en la futilité de ces efforts pour changer. Il faut que le changement se traduise rapidement pas des résultats positifs car sinon, l’échec va au contraire renforcer le sentiment d’inefficacité”. Autrement dit, l’EM peut se révéler utile pour augmenter temporairement la motivation, mais il faut d’autres relais pour que cette motivation perdure.

L’EM RENFORCE L’ENGAGEMENT DANS LE TRAITEMENT

Il ne faudrait cependant pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Ainsi, lorsque l’EM est conjugué avec une autre approche, il peut contribuer à en améliorer les effets. Prenons l’exemple des thérapies cognitivo–comportementales (TCCs).

Tout d’abord, compléter une TCC avec de l’EM en améliore le résultat. C’est le cas de l’abus d’alcool, de cocaïne, de l’anxiété généralisée et des troubles du comportement chez l’enfant.

Par ailleurs, selon une étude qualitative, les thérapeutes obtenant les meilleurs résultats avec leurs patients ont des caractéristiques communes. Leurs patients sentent qu’ils sont plus à leur écoute et davantage dans la collaboration. Ils les engageent plus activement à suivre leur traitement. Or ce sont là des compétences que développe l’EM, contribuant ainsi à améliorer la relation thérapeutique en la rendant plus humaine.

Enfin, l’EM, en augmentant la motivation et en diminuant l’ambivalence, pourrait augmenter l’adhésion au traitement, comme dans le traitement de la dépression pour effectuer les exercices en dehors des séances. Or, un des inconvénients majeurs des TCC est leur taux important d’attrition et de récidive (environ 50% des sujets abandonnent le traitement ou rechutent).

L’EM peut donc constituer un excellent tandem pour amplifier cette motivation. A ce titre, l’EM peut être utilisé en prétraitement pour augmenter l’engagement du bénéficiaire de commencer le traitement, ou bien en cours de traitement, à chaque fois que la motivation chute.

POUR ALLER PLUS LOIN

Si l’EM n’est pas une panacée, il est de nature à améliorer les traitements auxquels il est adjoint. Dans un prochain article, nous nous intéresserons à un de ces traitement pour le mentorat.

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Mentorat Psychologie

Comment accompagner le changement avec la théorie socio-cognitive ?

Cette théorie psychologique, née au 20ème siècle, est utile dans les démarches de mentorat

Dans un article précédent, nous avons expliqué l’utilité de l’entretien motivationnel (EM) pour le mentorat. Cependant son efficacité reste limitée, à moins qu’il ne soit associé à une autre technique. Dans cet esprit, nous allons présenter la théorie socio-cognitive (TSC) et montrer en quoi elle pourrait s’appliquer au mentorat.

LA THÉORIE SOCIO-COGNITIVE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Le psychologue canadien Albert Bandura a développé la TSC dans les années 1960, initialement comme une théorie de l’apprentissage. Selon celle-ci, les individus apprennent en observant les comportements des autres en les imitant.

Bandura l’a ensuite enrichie pour en faire une théorie capable de prédire le comportement humain. La TSC postule que les individus sont des agents. Ils sont capables, par leurs propres actions, d’exercer une influence intentionnelle sur leur fonctionnement et sur le cours des événements impactant leur existence.

LA TRIADE DU FONCTIONNEMENT HUMAIN

Pour la TSC, le fonctionnement humain est le produit de l’interaction entre les influences intra-individuelles, du comportement de l’individu et les facteurs liés à l’environnement :

Les déterminants liés à l’individu sont des facteurs internes, tels que les pensées, les sentiments et les croyances. Les déterminants environnementaux sont des événements qui impactent l’individu.

Chacun des déterminants de cette triade interagit réciproquement avec les deux autres. Ainsi un comportement peut influencer les déterminants individuels. Par exemple, lors d’une soirée, un adolescent qui refuse de boire (comportement) pourrait penser : “Mes amis vont me trouver ennuyeux” ou bien “Je pourrai mieux étudier et obtenir une bonne note pour l’examen de lundi”. De même, le comportement peut avoir un impact sur l’environnement. Dans notre exemple, devant son refus de boire, les amis de l’adolescent pourraient faire pression sur lui pour qu’il change d’attitude.

LES DEUX QUESTIONS CLE

Grâce à ces influences réciproques, en particulier sur les facteurs individuels, les individus sont davantage que les produits de leur environnement. Ils peuvent améliorer leurs conditions d’existence.

Pour simplifier à l’extrême, l’individu adopte un comportement après avoir répondu à deux questions. La première est “Est-ce qu’adopter ce changement va modifier ma vie dans un sens positif ?” – en terme technique, on l’appelle l’attente de résultats. La seconde est “Est-ce que je me sens capable d’adopter ce comportement ?” Ce que Bandura baptise le sentiment d’efficacité personnelle (SEP). Si la réponse est oui à ces deux questions, la personne va former l’intention d’adopter le comportement ou se fixer un objectif qui se traduiront par la réalisation du comportement.

LE RÔLE CENTRAL DU SENTIMENT D’EFFICACITÉ PERSONNELLE

Le SEP est central à la théorie car il affecte le comportement directement et indirectement par le biais des autres déterminants : attente de résultats, buts et facteurs environnementaux :

De fait, on a montré que le SEP était le plus fort prédicteur du comportement. De même, le SEP a un effet positif dans plus de 93% des études. Les effets ont d’ailleurs été notés aussi quelles que soient les populations étudiées : enfants (taille d’effet 1,51), adolescents (0,30) adultes étudiants (0,70), adultes non-étudiants (0,66)

le sep est manipulable

L’autre caractéristique intéressante du SEP est que l’individu peut le modifier grâce à 4 moyens. Tout d’abord, en vivant des expériences de maîtrise du comportement-cible (maîtrise guidée). Ensuite, en prenant connaissance d’expériences de maîtrise réalisées par d’autres personnes (modelage). Ou encore, en recevant des encouragements (persuasion sociale). Enfin en contrôlant ses sensations psycho-physiologiques. A ce titre, dans près de 95% des études analysées par les chercheurs, des effets modérés à élevés ont été obtenus du SEP que ce soit par la maîtrise guidée (0,75 de taille d’effet), le modelage (1,02) ou la persuasion verbale (0,40).

POURQUOI EMPLOYER LA SCT EN MENTORAT ?

La théorie socio-cognitive a de nombreuses applications dans différents domaines, notamment l’éducation, la santé, le travail et le sport. En particulier dans deux domaines couverts par le mentorat : la prise de parole devant un public et l’insertion professionnelle.

Par ailleurs, elle dispose d’une communauté nombreuse de chercheurs qui continuent d’approfondir la connaissance. Elle entretient aussi des liens avec l’entretien motivationnel par le biais du SEP. Il a d’ailleurs été montré que l’EM avait un impact positif sur le SEP.

POUR ALLER PLUS LOIN

La théorie socio-cognitive par sa capacité à permettre à l’individu de changer est prometteuse pour le mentorat. Dans un prochain post, nous verrons comment l’utiliser concrètement dans la relation mentor-mentoré.

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Communication Psychologie Toastmasters

La pratique délibérée pour s’améliorer en improvisations

Vous voulez devenir un orateur hors pair ? Entraînez-vous en suivant les conseils d’un psy qui transforme n’importe qui en champion des échecs ou de Toastmasters

Vous avez envie de devenir un meilleur orateur, de captiver votre auditoire, de convaincre avec vos arguments ? Vous savez que pour y arriver, il faut s’entraîner, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Aujourd’hui, je vais vous parler de la pratique délibérée, une méthode scientifique pour acquérir et améliorer n’importe quelle compétence. Je vais aussi vous montrer comment vous pourrez appliquer ces principes aux improvisations Toastmasters. Ces exercices de prise de parole mettent à l’épreuve votre réactivité, votre créativité et votre éloquence.

Qu’est-ce que la pratique délibérée ?

La pratique délibérée est un concept développé par le psychologue Anders Ericsson. Il est considéré comme le père de la science de l’expertise. Selon lui, la pratique délibérée permet d’atteindre l’excellence, que ce soit en musique, dans les échecs, ou l’art oratoire.

La pratique délibérée se distingue de la simple pratique par plusieurs caractéristiques :

  • Elle se fixe un objectif spécifique et mesurable, qui correspond au niveau de performance souhaité.
  • Elle implique de se confronter à des défis qui dépassent ses capacités actuelles.
  • Elle a besoin d’un retour immédiat et constructif, pour identifier ses erreurs et ses points à améliorer.
  • Elle se focalise sur le processus plutôt que sur le résultat. Elle cherche à comprendre les principes sous-jacents à la compétence visée.
  • Elle repose sur la répétition et la révision régulières, pour consolider les acquis et renforcer la mémoire.
  • Elle s’inspire des meilleurs, en se comparant aux experts du domaine et en s’appropriant leurs méthodes et leurs stratégies.
Comment appliquer la pratique délibérée aux improvisations Toastmasters ?

Les improvisations Toastmasters consistent à répondre à une question inopinée en moins de deux minutes et demie. Les clubs Toastmasters les utilisent pour développer les compétences de communication de leurs membres. Elles sont un excellent terrain d’application pour la pratique délibérée. En effet, elles sollicitent plusieurs domaines de l’art oratoire : la structure, le langage, la voix, le geste…

avoir un objectif et se lancer un defi

Voici comment vous pourriez utiliser les principes précédents de la pratique délibérée pour vous préparer et réussir vos improvisations :

  • Avoir un objectif spécifique et mesurable : avant de vous entraîner aux improvisations, définissez clairement ce que vous souhaitez améliorer. Par exemple, vous pouvez vouloir augmenter la durée de votre prise de parole, réduire votre stress, mieux structurer votre discours ou utiliser un vocabulaire plus riche. Choisissez un objectif qui soit adapté à votre niveau actuel et qui soit quantifiable. Par exemple, vous pouvez mesurer la durée de votre improvisation, le nombre d’hésitations que vous faites ou le nombre d’idées que vous développez.
  • Sortir de sa zone de confort : pour progresser aux improvisations, il faut accepter de se mettre en difficulté. Ne choisissez pas des sujets trop faciles ou trop familiers. Au contraire, exposez-vous à des sujets variés et aléatoires, qui vous obligent à mobiliser vos connaissances générales, votre culture personnelle, votre imagination… Vous pouvez utiliser des applications ou des sites web qui génèrent des sujets de “Table Topics Toastmasters”, ou demander à un ami ou à un membre du club de vous en proposer. Vous trouverez ici une liste de sujets avec tirage aléatoire.
recevoir des retours et comprendre le fonctionnement
  • Obtenir un retour immédiat et constructif : pour savoir si vous avez réussi ou non une improvisation, il faut avoir un retour sur votre performance. Dans les clubs Toastmasters, un évaluateur donne un retour aux participants à la séance d’improvisations. Quand vous vous entraîner en solo, le mieux est de vous filmer ou de vous enregistrer, pour pouvoir analyser ensuite votre discours, votre voix, votre langage corporel… Vous pouvez aussi demander l’avis d’un mentor ou d’un pair expérimenté, qui saura vous donner des conseils personnalisés et des pistes d’amélioration.
  • Se concentrer sur le processus plutôt que sur le résultat : pour maîtriser les improvisations, il faut comprendre comment elles fonctionnent, quels sont les éléments qui les composent et comment les articuler. Il faut aussi être conscient de ses forces et de ses faiblesses, de ses stratégies et de ses réflexes. Au lieu de se focaliser sur le fait de donner une bonne ou une mauvaise réponse, il faut se concentrer sur le fait de développer sa capacité à argumenter, à convaincre ou à faire rire. Il faut aussi apprendre de ses erreurs et de ses succès, en identifiant ce qui a marché ou pas, et comment s’améliorer.
répéter et apprendre des meilleurs
  • Répéter régulièrement : pour ancrer les improvisations dans sa mémoire et dans son répertoire, il faut les pratiquer fréquemment, au moins une fois par semaine, voire tous les jours si possible. Il faut aussi réviser les sujets que l’on a déjà traités, pour renforcer les connaissances acquises et éviter l’oubli. Vous pouvez par exemple relire vos notes, réécouter vos enregistrements ou refaire les mêmes sujets avec des variantes.
  • Chercher à se comparer aux meilleurs improvisateurs: observez comment ils répondent aux sujets, comment ils structurent leur discours, comment ils utilisent leur voix, leur regard, leur geste… Essayez de comprendre ce qui fait leur force, leur originalité, leur impact. Vous pouvez regarder des vidéos de “Table Topics Toastmasters” sur YouTube, ou assister à des concours interclubs.
pour aller plus loin

Les improvisations Toastmasters sont un excellent moyen de développer votre art oratoire. Mais pour en tirer le meilleur parti, il faut les pratiquer avec méthode et rigueur. La pratique délibérée est une approche scientifique qui vous permettra d’atteindre un niveau d’excellence dans cette compétence. En appliquant les principes de la pratique délibérée, vous verrez votre aisance verbale, votre confiance en vous et votre impact sur votre auditoire augmenter considérablement.

Vous voulez rencontrer des improvisateurs expérimentés et participer à une séance d’improvisations lors d’une prochaine réunion ? C’est par ici.

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Insertion professionnelle Psychologie

L’entretien motivationnel pour accompagner les chômeurs : quelle efficacité ?

 Des études récentes montrent l’utilité de l’entretien motivationnel dans l’insertion professionnelle (IP)

Aurore est conseillère dans une mission locale du Val de Marne. Elle accompagne des jeunes de 18 à 25 ans pour qu’ils trouvent un emploi ou une formation. Afin de susciter l’envie chez ces jeunes gens, elle s’est formée à l’entretien motivationnel. Elle a l’impression que cette approche donne de bons résultats. Néanmoins, elle se demande ce que dit la science sur l’efficacité de l’entretien motivationnel (EM) en insertion professionnelle (IP).

Des résultats mitigés jusqu’à très récemment

Il y a quelques années, deux chercheurs norvégiens, Flodgren et Berg, ont réalisé une méta-analyse de cinq essais aléatoires contrôlés utilisant l’EM pour la réinsertion professionnelle.

L’impact en était globalement positif. Mais ces études étaient entachées de biais, comme des échantillons de faible taille. En outre, elles visaient des populations très particulières (souffrant de troubles mentaux ou de douleurs chroniques) rendant difficile l’extrapolation à la population générale.

Des résultats encourageants depuis lors

De nouveaux essais aléatoires publiés depuis lors ont montré des résultats plus encourageants.

Tout d’abord, la psychologue Eileen Britt et son équipe ont observé qu’après avoir formé à l’EM des conseillers à l’emploi, leur empathie augmentait sensiblement. Simultanément, leurs bénéficiaires exprimaient davantage le désir de mener des actions concrètes de recherche. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon EM, le discours-changement.

De son côté, Wewiorski a montré que le discours changement prédisait le passage à l’action des bénéficiaires pour retrouver un emploi. Ces deux études combinées démontraient ainsi un résultat connu de l’EM. C’est l’incitation à générer du discours changement, par les techniques de l’EM, qui conduit les clients à agir.

Dans une dernière étude menée au Canada, Britt semble apporter enfin une preuve irréfutable de l’efficacité de l’EM en IP. Dans cet essai aléatoire portant sur un large échantillon de demandeurs d’emploi, les participant du groupe expérimental, exposés à l’EM, avaient 25% de plus de chance de retrouver un emploi que ceux du groupe-témoin.

Quels enseignements opérationnels retirer des ces études ?

Cette dernière étude met en avant plusieurs recommandations pour faciliter l’adoption de l’EM en insertion professionnelle.

Pour commencer, deux à trois jours de formation suffisent pour maîtriser l’EM, pourvu qu’un expert accompagne les conseillers a posteriori. Dans l’étude, les chercheurs codaient un entretien de chaque conseiller par semaine et leur fournissaient un retour immédiat.

Ensuite, le nombre d’entretiens doit être adapté à la motivation du bénéficiaire. Pour cela, l’équipe de Britt a classé les bénéficiaires en 4 catégories de motivation (de “ne voit pas l’intérêt de rechercher un emploi” à “effectue des démarches actives de recherche”). Les entretiens motivationnels étaient plus nombreux pour les catégories les moins motivées.

Enfin, les conseillers doivent travailler avec leur hiérarchie d’une part, les formateurs à l’EM et des experts en gestion du changement d’autre part, afin d’adapter l’organisation à l’EM. Car souvent l’EM contredit les habitudes des services de l’emploi. Conflits entre l’attitude empathique prônée par l’EM et le contrôle des allocations de chômage par les conseillers, espacement des rendez-vous qui fait perdre le contexte et manque de temps pour l’EM en sont des exemples.

Pour aller plus loin

En conclusion, l’EM paraît efficace pour aider les bénéficiaires des services à l’emploi à trouver plus souvent du travail. Diffuser l’EM pour les accompagner pourrait donc augmenter la productivité des services sociaux.

Cependant, beaucoup reste encore à découvrir, en particulier sur la manière d’adapter cette technique aux organisations existantes. Cela justifie la poursuite de la recherche dans ce domaine.

En attendant, si vous désirez en savoir plus sur l’EM et vous y former, rejoignez pour une modique cotisation l’Association Française de Diffusion de l’Entretien Motivationnel (AFDEM). C’est ici.

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Psychologie

Comment se former à l’entretien motivationnel ?

L’apprentissage de cette approche riche en applications s’apparente plus à un compagnonnage qu’à une formation classique

Dans de précédents articles, nous avons vu l’intérêt de l’entretien motivationnel et son application au mentorat ou à l’insertion professionnelle. Cette approche, certes puissante, requiert cependant des intervenants bien formés.

Dans ce billet, nous allons donc aborder le thème de la formation en entretien motivationnel

Formation classique

Le point de départ dans l’apprentissage est sans doute la lecture du livre de Miller et Rollnick, les deux fondateurs de la méthode (“L’entretien motivationnel” 3ème édition). Cet ouvrage, très riche, explore toutes les facettes de l’approche motivationnelle.

Ensuite, il est utile de compléter cette lecture par une formation de base avec des formateurs aguerris. Celle de l’AFDEM (Association Française de Développement de l’Entretien Motivationnel) dure 3 jours et permet de pratiquer en groupe des exercices d’apprentissage comme par exemple des simulations d’entretien.

Néanmoins, même après une formation de qualité, le chemin est encore long pour acquérir les 12 compétences de l’EM recommandées par Miller :

  • Comprendre dans quel esprit l’EM est pratiqué : partenariat, non jugement, altruisme et évocation
  • Développer le savoir-faire et l’aisance dans l’écoute réflective et dans l’ensemble des savoir-faire OuVER centrés sur le client
  • Identifier les objectifs de changement
  • Échanger de l’information et fournir des conseils dans un style EM
  • Être capable de reconnaître le discours-changement et le discours-maintien
  • Faire émerger le discours-changement
  • Réagir au discours-changement afin de le renforcer
  • Répondre au discours-maintien et à la dissonance
  • Développer l’espoir et la confiance
  • Savoir décider de façon collaborative du moment et du contenu du plan d’action
  • Renforcer l’engagement
  • Intégrer l’EM dans d’autres savoir-faire et pratiques cliniques

Pour se perfectionner, Miller et Rollnick préconisent le tutorat.

LE Tutorat en entretien motivationnel

Il consiste à faire observer ses échanges comme intervenant motivationnel par d’autres personnes formées à la méthode.

Une de ces formules est l’intervision. Un groupe d’intervision se compose de 3 personnes. L’une d’elle joue le rôle du client en présentant une situation d’ambivalence comme par exemple “j’ai du mal à faire de l’exercice”. Un autre membre du trio joue le rôle de l’intervenant, celui qui mène l’entretien motivationnel pendant une dizaine de minutes. La troisième personne observe l’échange qu’on a enregistré. Ensuite, le trio réécoute l’enregistrement en notant ce qui paraît significatif. La dernière partie consiste à débriefer l’entretien sous la houlette de l’observateur : qu’est ce qui a bien marché ? Qu’est-ce qui aurait pu être fait différemment ? Quels enseignements en retirer ? Le billet ici détaille l’intervision.

Ce qui est important dans ces séances d’intervision, c’est ce qu’on n’a pas entendu dans la séance, car cela donne des pistes d’amélioration à tester dans le futur.

L’autre forme d’observation des échanges est la supervision où un expert de l’EM écoute les enregistrements d’un entretien réel pour donner son retour sur la qualité de l’intervention.

Une autre forme de tutorat est constituée par les forums d’échange où l’on discute sur des sujets tels que “comment puis-je me servir de l’EM dans telle situation ?”

L’AUTO-EVALUATION

En pratiquant le tutorat, l’apprenti en EM prend du recul par rapport à sa propre pratique. Il devient peu à peu compétent dans sa propre évaluation. Pour cela, il réécoute ses enregistrements et utilise les grilles de codage qui permettent d’objectiver la qualité de ces derniers. Tout d’abord, en comptant les reflets (R) simples ou complexes, par exemple ceux contenant une hypothèse. Puis en dénombrant les questions (Q), ouvertes ou fermées, et en calculant le ratio R/Q. Miller et Rollnick préconisent un ratio supérieur à 2 pour éviter de transformer l’entretien en interrogatoire.

L’intervenant peut également compter les occurrences de discours-changement (DC) et de discours-maintien (DM) et calculer le ratio DC/DM et son évolution dans le temps de l’entretien. Il se pose des questions comme “quand le discours-changement est-il apparu ?”, “quelle a été la réaction de l’intervenant après son apparition ?”

Enfin, il décompte les occurrences de langage non conformes à l’esprit de l’EM, comme donner son avis sans permission, se confronter ou bien argumenter. Il peut également noter les réactions du client à ce langage.

POUR CONCLURE

L’apprentissage de l’EM est un chemin sans fin tant on découvre de subtilité dans l’art de conduire un entretien. D’ailleurs, la recherche sur les mécanismes à l’œuvre dans l’EM progresse également, donnant de nouvelles perspectives d’évolution.

Finalement, l’intervenant en EM est comme un pianiste. Il sait quand il enfonce une touche, si la note est juste (discours-changement) ou fausse (discours-maintien).