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Communication Psychologie

Comment surmonter la peur de parler en public grâce à la théorie socio-cognitive?

La théorie socio-cognitive (TSC) permet de meilleures prises de parole en public

Dans un précédent article, nous avons vu que la peur de parler en public était très répandue. Elle pouvait être aussi très handicapante. Dans cet article, nous allons voir comment la TSC permet de surmonter la peur de parler en public.

NOS DOUTES ? DES TRAITRES !

La peur de parler en public est une forme de phobie sociale. A ce propos, le père de la TSC, Albert Bandura a beaucoup étudié les phobies. Pour lui, l’anxiété découle d’un faible croyance en ses capacités à surmonter la peur. Il a baptisé cette croyance sentiment d’efficacité personnelle (SEP). Ainsi, comme l’écrivait William Shakespeare, “nos doutes sont des traitres et nous privent de ce que nous pourrions souvent gagner de bon parce que nous avons peur d’essayer.”

De fait, les chercheurs ont mis en évidence un lien entre SEP et peur de parler. Ainsi des étudiants formés à structurer leur discours et utiliser leur voix ont vu leur anxiété baisser. Au travers de telles formations, les personnes se convainquent de l’amélioration de leurs compétences et augmentent leur SEP.

Plus généralement, dans le traitement des phobies sociales, agir sur le SEP en améliore le résultat. Si, après le traitement, les patients constatent une amélioration de leurs compétences sociales, les situations redoutées leur apparaissent moins menaçantes. D’ailleurs, une intervention manipulant le SEP a montré plus d’effet que l’exposition systématique ou la restructuration cognitive, thérapies traditionnelles pour soigner les phobies sociales.

LE RÔLE FONDAMENTAL DU SENTIMENT D’EFFICACITÉ PERSONNELLE

La synthèse de la littérature sur les phobies sociales permet de mettre en évidence le modèle socio-cognitif de la prise de parole en public :

Pour commencer, le SEP exerce son effet sur la peur de parler en public à travers les attentes de résultats qu’un orateur peut espérer de sa prestation. Ainsi, l’anxiété apparait lorsque les personnes désirent donner une impression particulière sur les autres (le résultat attendu) mais doutent qu’ils en soient capables (le SEP). Et plus le coût de l’échec est élevé, plus l’anxiété est importante.

En outre, les orateurs anxieux émettraient plus fréquemment des doutes sur leur capacité à créer les impressions désirées sur le public et s’attendraient à ce que leur performance soit en-dessous de leurs attentes. Ils auraient également tendance à évaluer les résultats de leurs prises de parole plus négativement que les sujets normaux, et indépendamment du résultat objectif.

SON ACTION SUR LE COMPORTEMENT

Ensuite, le SEP impacte les facultés de la personne à s’auto-gérer. Ce sont par exemple la capacité à s’auto-évaluer, à se fixer des objectifs et à activer des stratégies efficaces. Entre autres, on a montré que les phobiques sociaux ont du mal à définir et à atteindre des objectifs sociaux

Enfin, le SEP influence l’effet de l’environnement externe, comme par exemple faire face à un public hostile. Dans cette situation, le pouls d’un orateur de faible SEP a tendance à accélérer davantage qu’un orateur de forte SEP.

Dans la suite de la chaîne, l’attente de résultats, les facultés d’auto-gestion et la perception de l’environnement conditionnent à leur tour le comportement de l’orateur, en particulier s’il recherchera ou évitera les situations de communication. Un orateur à faible SEP aura tendance à éviter les prises de parole en public. Cette stratégie d’évitement va créer à son tour une boucle de renforcement. Comme une prophétie auto-réalisatrice, l’évitement va convaincre la personne qu’elle n’a pas les compétences adéquates, amoindrissant son SEP et intensifiant l’évitement.

LES BONNES PRATIQUES RÉVÉLÉES PAR LA SCIENCE

Selon les études qui donnent crédit au modèle socio-cognitif de la prise de parole en public évoqué précédemment, un comportement adéquat mène à des résultats probants. Quelles sont donc les bonnes pratiques que la science nous fait découvrir ?

Tout d’abord, entraîner son attention augmente significativement la qualité d’une prise de parole. En effet, l’orateur maitrisant son attention attache moins d’importance aux signaux négatifs externes, issus de l’environnement, ou internes, comme les pensées intrusives. Cela désinhibe sa parole et en améliore la qualité.

De même, lors de la planification d’un discours, la prise en compte explicite des besoins de l’auditoire améliore les performances. D’autre part, répéter son discours, seul ou devant un public, améliore aussi le rendu. En particulier, cela diminue l’anxiété et augmente la propension à communiquer. Enfin, recevoir des évaluations ou s’auto-évaluer est une bonne pratique. De fait, l’absence de retour afaiblirait la confiance des orateurs en leurs propres compétences.

POUR ALLER PLUS LOIN

La TSC paraît adéquate à rendre compte des phénomènes psychologiques à l’œuvre dans la prise de parole en public. L’intérêt de cette théorie est que le SEP, son concept central, est lui-même malléable. Des interventions spécifiques peuvent donc le modifier. En présenter un échantillon sera l’objet d’un prochain article.

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