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Comment utiliser la théorie socio-cognitive pour le mentorat?

Les outils pratiques de la théorie socio-cognitive (TSC) permettent aux mentors d’augmenter le sentiment d’efficacité personnelle chez leurs bénéficiaires

Dans un article précédent, nous avons présenté la théorie socio-cognitive (TSC) et son intérêt pour accompagner le changement. Nous avons vu également dans un autre billet comment elle pouvait, en particulier, aider à surmonter la peur de parler en public.

A présent, nous nous intéresserons à la manière de l’employer concrètement, dans le cadre des actions de mentorat. Dans ce premier article, nous donnons les clés pratiques pour utiliser la TSC.

LES QUATRE SOURCES DU SENTIMENT d’efficacité PERSONNELLE

Pour rappel, le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) est la pierre angulaire de la TSC : l’augmenter va produire des effets sur l’adoption d’un nouveau comportement et le changement qui en résulte.

Or, Bandura, le créateur de la TSC, affirme que le SEP provient de quatre sources : avoir accompli le comportement souhaité par le passé (expérience de maîtrise), modeler son comportement en observant d’autres personnes réussir une tâche (expérience vicariante), être persuadé que l’on peut accomplir une action (persuasion), et réduire les états affectifs et physiologiques qui gênent le nouveau comportement (gestion des états affectifs et physiologiques).

LES EXPÉRIENCES DE MAITRISE

L’approche la plus directe pour créer une expérience de maîtrise est de pratiquer le nouveau comportement. Par exemple, la posture lors d’un entretien d’embauche ou la prononciation d’un discours, après s’être formé aux compétences nécessaires pour réussir.

De fait, les croyances des individus et leurs actions se renforcent mutuellement. La réussite nourrit la conviction d’être efficace qui va favoriser la réussite ultérieure. Une spirale ascendante s’établit donc entre expérience de maîtrise et efficacité personnelle.

Le tableau suivant résume les techniques qui nourrissent les expériences de maîtrise.

Techniques Exemples
Pratiquer le comportement-cible avec succès Acquérir des compétences, par exemple la formation à l’entretien d’embauche

S’exposer aux situations menaçantes

Expérimenter graduellement Se fixer des cibles intermédiaires de difficulté croissante en vue d’atteindre le comportement visé, par exemple hiérarchiser des situations anxiogènes ou bien augmenter la dose d’exercice physique chaque semaine
Pratiquer l’imagerie mentale Imaginer le succès ou les progrès, simuler le comportement mentalement, visualiser la tâche, par exemple l’exposition volontaire dans le traitement des phobies, ou bien la résistance aux tentations de fumer
Se préparer aux revers Anticiper les conséquences : par exemple violer une abstinence

Attribuer les revers à des causes externes et les réussites à des causes internes (le travail, le mérite)

Auto-surveiller le comportement et ses résultats Suivre le comportement ainsi que les progrès vers l’objectif, par exemple en tenant un journal de l’alimentation ou de la perte de poids
S’appuyer sur des réussites passées Raconter des situations de maîtrise, par exemple des récits autobiographiques de réalisations probantes, pour transférer des stratégies efficaces à de nouveaux comportements.
Adopter un état d’esprit tourné vers l’apprentissage Donner la priorité au développement de nouvelles compétences plutôt qu’à l’évitement ou à la réussite
LES EXPERIENCES VICARIANTES

Observer une personne (“modèle”) effectuer une tâche que l’on désire effectuer et la voir réussir est une expérience vicariante. Celle-ci permet d’instiller la croyance que l’on peut soi-même y arriver. En plus, elle renseigne sur les stratégies et les compétences utiles pour surmonter certains obstacles. On peut d’ailleurs s’observer soi-même (“auto-modélisation”). Plus le modèle surmonte de difficultés et plus il ressemble à l’observateur, plus l’expérience sera utile à l’observateur.

Le tableau suivant résume les techniques pour susciter les expériences vicariantes.

Techniques Exemples
Observer des modèles (réels ou symboliques) Observer des personnes aux caractéristiques proches des siennes effectuer le comportement avec succès : par ex. des modèles réels dans des groupes de soutien, ou des modèles symboliques dans des récits inspirants
S’auto-modeler Produire des témoignages (par ex. en video) de l’exécution réussie par soi-même du comportement, par exemple l’enregistrement vidéo d’une séance d’entraînement à la formation à l’entretien d’embauche
LA PERSUASION VERBALE

La persuasion nous donne l’assurance que d’autres personnes croient en notre capacité à réussir. Elle fournit aussi une validation de nos progrès sur le chemin du changement. De même, l’auto-persuasion s’avère efficace, notamment dans la recherche d’emploi, en recourant par exemple à des mantras.

Cependant la persuasion verbale reste une source d’auto-efficacité moins fiable que les deux précédentes. Elle peut même s’avérer contre-productive. En effet, si un souvenir d’échec a sapé notre capacité à réussir, la persuasion pourrait déclencher au contraire de la résistance.

Le tableau suivant résume les techniques de persuasion verbale :

Techniques Exemples
Recevoir des encouragements de la part de personnes crédibles Véhiculer la croyance que la réussite du comportement est très probable
Exprimer un discours intérieur à caractère pédagogique ou motivationnel Réciter un discours intérieur motivationnel

S’auto-guider verbalement, par exemple en se répétant les étapes du comportement

Identifier les pensées dysfonctionnelles et les transformer en alternatives positives

 

LA gestion des États affectifs et physiologiques

Commencer une tâche difficile, surtout si elle est nouvelle, déclenche de l’appréhension chez la plupart d’entre nous. Elle s’accompagne généralement de symptômes physiologiques ou affectifs (par exemple, une augmentation du rythme cardiaque, de la transpiration). Si nous interprétons la cause de ces signes comme un manque de préparation, ou comme la prédiction d’un échec, ceux-ci peuvent diminuer notre sentiment d’efficacité personnelle et altérer nos performances ultérieures.

Pour Bandura, les expériences de maîtrise, présentées plus haut, en améliorant les compétences d’adaptation, font percevoir l’avenir comme moins menaçant. Ainsi, les pensées anxieuses qui peuvent tout de même survenir, ne submergeront pas l’individu.

Le tableau suivant résume les autres techniques de gestion des états affectifs et physiologiques :

Techniques Exemples
Pratiquer la psycho-éducation Expliquer comment les processus mentaux influent sur les fonctions biologiques: par exemple, les conséquences somatiques et affectives de dramatiser des symptômes corporels anxiogènes, apprendre à interpréter la nervosité comme le signe de que le corps est prêt, corriger les interprétations erronées de symptômes corporels ressentis comme des menaces
Utiliser le biofeedback Démontrer l’association corps-esprit
Identifier et acquérir des capacités d’adaptation (Se) Former à des stratégies d’adaptation, de relaxation ou de gestion du stress afin d’accroître la préparation et de contrôler les états physiologiques et affectifs néfastes avant et pendant l’exécution du comportement
Tester les capacités d’adaptation Collecter des informations permettant de corriger les symptômes physiologiques et affectifs en réalisant des expériences comportementales, par exemple, la maîtrise de la situation redoutée avec le thérapeute lors d’une séance d’exposition systématique
POUR ALLER PLUS LOIN

En conclusion, la TSC permet d’améliorer le SEP du bénéficiaire d’une action de mentorat en agissant sur les 4 sources à l’origine de ce sentiment.

Dans un prochain article, nous présenterons la manière d’employer ces outils face à des situations réelles de mentorat. Nous nous appuierons pour cela sur des exemples tirés de l’insertion professionnelle et de la prise de parole en public.

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