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Comment persuader avec Aristote…et Steve Jobs ?

Ethos, logos et pathos sont les trois ingrédients qu’utilise à merveille le fondateur d’Apple

Faut-il suivre la voix de la raison ou celle de ses passions au moment de choisir un métier ? Quel est l’impact de la perte, de l’échec et de la mort dans cette décision ? Dans ce discours de remise des diplômes, Steve Jobs, le créateur d’Apple, répond brillamment à ces questions complexes, de portée philosophique, éthique et psychologique.

Il cherche à convaincre les jeunes diplômés de Stanford de choisir un métier d’après le cœur plutôt que la raison. Pour cela, il manie les 3 méthodes de persuasion décrites par Aristote  que sont le logos, le pathos et l’ethos. Et c’est aussi passionnant qu’un dessin animé Pixar !

Le logos – colonne vertébrale du discours

Jobs emploie un discours très structuré en 5 parties : une introduction, 3 parties correspondant à 3 moments de sa vie personnelle et une conclusion. Il rappelle cette structure à chaque transition. Ainsi, il conduit ses auditeurs par la main, avec le numéro de l’histoire et un titre (par exemple, « connecter les points »).

Son message principal est « Faites ce que dicte votre cœur, votre intuition, votre voix de l’intérieur ». Deux arguments principaux étayent ce message. Le premier est que suivre son envie est la seule façon de faire du bon travail. Le second est que la vie est trop courte pour ne pas la vivre intensément.

Les trois histoires personnelles illustrent à merveille les deux arguments. Ainsi, les cours de calligraphie en candidat libre lui ont donné l’idée de l’interface graphique du Mac. Il a ainsi révolutionné l’informatique personnelle. Au passage, il accuse Bill Gates de Microsoft d’avoir copié Apple. Ensuite, son licenciement d’Apple lui a permis de continuer à faire ce qu’il aimait. Il a alors créé Pixar, puis  Next qui a contribué à la renaissance d’Apple. Enfin, l’expérience de la mort imminente lui a fait savourer tous les instants de sa vie.

Malgré tout, le discours est peut-être trop riche en messages secondaires, utilisés de manière artificielle, par exemple pour donner un titre à une histoire. Ainsi, que vient faire le « Connecter les points » au-delà d’évoquer la calligraphie ?

L’ethos de Steve Jobs – en phase avec son discours

« Je n’ai jamais terminé l’université. En réalité, je n’ai jamais été aussi proche de la réception d’un diplôme qu’aujourd’hui », dit-il au début de son discours, affirmant un ethos paradoxal. D’une part, son renoncement à l’université lui enlève toute crédibilité pour parler de l’importance de l’éducation supérieure à de jeunes diplômés. Mais d’autre part, comme il le montrera plus tard, son expérience personnelle, à trois moments de sa vie, le rend plus crédible pour évoquer son message principal (« suivez votre passion »).

Les histoires, tirées de sa propre existence, celle de l’enfant adopté, celle de l’entrepreneur congédié à 30 ans et celle du survivant du cancer, lui permettent d’incarner un discours qui, sinon, serait resté théorique.

Il maintient la connivence avec son public en le flattant tout d’abord (« Stanford, l’une des meilleures écoles du monde ») puis en mettant les rieurs de son côté (« Même ceux qui veulent aller au paradis ne veulent pas mourir »)

Sa voix est ferme et sans hésitation, son contact visuel affirmé. Tout respire en lui la confiance. Le ton général m’a cependant semblé parfois manquer d’empathie

Le pathos installé par la dramaturgie de ses récits

Chacune des trois histoires met en scène un drame. D’abord, le bébé inattendu, la famille d’accueil qui se récuse, et la promesse rompue d’un diplôme universitaire. Puis, l’entrepreneur porté aux nues et licencié du jour au lendemain. Finalement, le personnage face à la mort. A chaque fois, Jobs oscille entre les plus hauts sommets et l’abîme le plus profond.

Sa narration fait souvent appel à l’émotion comme, par exemple, les larmes des médecins découvrant que son cancer est curable. Son sens indéniable de la formule (« le remède était amer, mais c’est ce dont le patient avait besoin », « Un jour ce sera votre tour de laisser la place », « Ne vivez pas la vie d’un autre » et « Stay hungry, stay foolish ») renforce encore l’impact émotionnel. Enfin, sa voix au débit rapide ne laisse aucun répit au spectateur.

Une dernière caractéristique éminente du discours réside dans la fusion des trois registres d’Aristote selon un motif répété à 3 reprises. Tout d’abord, un titre (« connecter les points ») identifie la partie. Puis, une anecdote personnelle mêle ethos (par exemple, « j’ai quitté la fac après 6 mois ») et pathos (par exemple, l’arrivée chaotique d’un bébé non désiré). Viennent enfin les enseignements qu’il a tirés de son expérience (logos). La variété des situations rompt la monotonie de ce qui pourrait n’être qu’un procédé.

Pour aller plus loin

Logos, ethos, pathos: vous en voulez encore? Venez donc nous rendre visite lors d’une prochaine réunion. C’est ici.

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