Et si 5 minutes suffisaient pour une recherche d’emploi efficace ? La preuve avec la planification brève
Benito a 22 ans. D’après son profil, il voudrait travailler comme préparateur de commandes ou comme cariste. Pour cela, son CV révèle des atouts concrets : notamment une formation à la conduite de chariots-élévateurs (CACES), des expériences en manutention et un profil manuel du fait de sa formation initiale à la menuiserie. Pourtant, il peine à transformer ces compétences en CDI. En tant que mentor du jeune homme, mon rôle a consisté à l’aider à bâtir son plan d’action, et non pas le mien, grâce à la technique de l’entretien motivationnel. Voici, étape par étape, ma démarche illustrée de dialogues au cours de nos conversations.
Reconnaître la maturité pour l’action : les signes du « discours changement »
Avant tout, le passage à l’action émerge souvent d’une convergence entre le quoi (le plan d’action), le pourquoi l’importance de passer à l’action) et le comment (la confiance en ses capacités pour réussir). De fait, avant de construire un plan ensemble, je me demande si Benito est prêt à s’engager. Plusieurs signes observés lors de nos échanges indiquent qu’il envisage de passer à l’action. En effet, dans son discours, il exprime du discours-changement dans lequel il affirme:
- D’une part, son désir de changer : « Travailler dans un entrepôt, c’est dynamique. J’aime l’idée de gérer des flux comme un puzzle ! »
- D’autre part, sa capacité à changer : « Mon stage chez SATC prouve que je maîtrise la réception de colis. »
- De plus, ses raisons pour changer: « Avec mon CACES, j’ai enfin un atout pour sortir de l’intérim. »
- Enfin, son besoin de changer : « Je veux un salaire fixe pour louer mon appart quand j’aurai quitté l’ASE. »
Par ailleurs, son discours-maintien dans le statu quo diminue. Alors que ses doutes initiaux (« Les boîtes recrutent seulement les expérimentés ») ont cédé la place à : « Mon formation de deux mois compte autant qu’une expérience d’un an. »
De même, il montre une attitude résolue quand il sourit en décrivant son stage chez SATC : « Quand le chef m’a félicité pour la rapidité du tri, j’ai senti que c’était mon domaine. »
En outre, il se projette dans le futur: « Dans 2 ans, je me vois chef d’équipe. Même si je dois faire les 3×8 au début. »
Pour terminer, il évoque des étapes concrètes : « Je pourrais relancer le manager de SATC – il m’avait dit de reprendre contact. »
Au cours de ces échanges, j’ai surtout reformulé et résumé son discours changement pour renforcer sa motivation. En somme, tous ces signaux confirment qu’il est temps de passer à la planification brève.
Prêt à passer à l’action ? la méthode de la planification brève
La planification brève est une méthode efficace, enseignée aux étudiants de médecine pour encourager les futurs patients à prendre en charge leur traitement. Cela étant dit, elle s’adapte sans problème à l’insertion professionnelle. Concrètement, elle se déroule en 5 étapes, réalisables en quelques minutes :
Premièrement, étape 1 : commencer par une question d’ouverture
Moi : « Benito, y a-t-il une petite action pour ton projet que tu aimerais réaliser d’ici vendredi ? »
Benito : « Oui… Envoyer 5 candidatures à des entrepôts près de Bobigny, là où j’habite. »
Ensuite étape 2 : Transformer l’action en objectif SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini)
Moi : « Top ! Pour le rendre précis : quelles entreprises ? Comment jugeras-tu que tu as obtenu le résultat attendu ? »
Benito : « Je ciblerai Norauto, FM Logistics et Leroy Merlin. Je noterai chaque réponse dans un tableau Excel. »
Moi: « Donc ton objectif, c’est: Envoyer 5 candidatures (spécifique) par mail (mesurable) à 5 entreprises listées (atteignable et réaliste) d’ici vendredi 17h (temps). »
Par la suite, étape 3 : Reformuler avec ses propres mots
Moi : « Peux-tu me redire ton plan comme si tu l’expliquais à un ami ? »
Benito : « Je vais chercher 5 adresses d’entrepôts sur Google Maps, leur envoyer mon CV en parlant de mon CACES, et cocher les réponses. »
Puis, étape 4 : Évaluer la confiance (échelle 0-10)
Moi : « Sur 10, c’est quoi ta confiance pour faire ça cette semaine ? »
Benito : « 6/10… J’ai peur de mal rédiger les mails. »
Moi: explorant son appréhension : « Qu’est-ce qui te met à 6 et pas à 0 ? »
Benito : exprimant du discours changement « J’ai déjà eu des retours positifs sur mon CV »
Moi: Renforcer : « Que faudrait-il pour passer à 8 ? »
Benito : « Avoir un modèle de mail. »
Enfin, étape 5 : Renforcer l’engagement
Moi : « On crée ce modèle maintenant ? Et si on planifiait un rappel sur ton téléphone pour mercredi ? »
Benito : « Oui, je le note dans mon appli « Rappels » ! »
En résumé, cette méthode permet de structurer efficacement l’accompagnement tout en laissant le bénéficiaire s’approprier pleinement son plan d’action.
Pour les moins prêts à l’action, faire émerger la confiance
Imaginons maintenant que Benito ait répondu « 3/10 » à l’étape 4 ci-dessus. Dans ce cas, il y a plusieurs façons de rebondir :
Tout d’abord, valoriser les succès passés
Moi : « Sur ton CV, tu as déménagé des structures lourdes aux Jeux Paralympiques. Comment as-tu géré ce stress ? »
Benito : « J’ai suivi une check-list et demandé conseil au chef. »
Moi : « Cette capacité à t’organiser et demander de l’aide est précieuse en logistique ! »
Ensuite, réinterpréter un échec et renforcer les ressources. Un échec peut être recontextualisé comme une tentative :
Benito: évoquant un refus chez Leroy Merlin : « J’ai mal répondu quand ils m’ont demandé pourquoi je voulais travailler chez eux. »
Moi: je l’aide à réinterpréter son expérience : « Tu as osé postuler. C’était un essai courageux ! Cette question est facile si tu l’as bien préparé en amont. »
Par ailleurs, soulever un problème pour générer des solutions Vous encouragez ainsi la personne à trouver elle-même des solutions, ce qui génère du discours changement. À l’inverse, proposer des solutions à sa place peut renforcer le discours maintien (« J’ai déjà essayé, ça ne marche pas »).
Moi : « Et si une entreprise te dit : Vous n’avez que des stages comme expérience professionnelle ? »
Benito : « Je répondrai que mes stages montrent que j’apprends vite – comme quand j’ai maîtrisé la scie circulaire en 2 jours chez Az Bois. »
Moi : valorisant son effort « Tu viens de trouver une réponse parfaite ! »
Lorsque le discours confiance apparaît, il est essentiel le soutenir par des :
- Questions ouvertes (ex. : « Comment pourriez-vous réagir si… ? »)
- Valorisations (souligner les compétences et les efforts).
- Reflets (reformuler le discours-changement).
- Résumés motivants : « Benito, tu as un CACES récent, des expériences en manutention, et cette envie de sortir de l’intérim. Ton plan de 5 candidatures ciblées est réaliste. Je te propose qu’on se rappelle vendredi pour ajuster ensemble – d’accord ? »
Pourquoi cette méthode fonctionne
En conclusion, plusieurs aspects concourent à la réussite de cette planification. D’abord, le plan est sien : Il a choisi les entreprises, le rythme, les outils. Ensuite, la confiance naît de ses propres mots. En reformulant ses succès passés, il prend conscience de ses ressources. Enfin, les obstacles deviennent des scénarios : « Et si… ? » qui in fine génère des solutions plutôt que de la résignation.